Pauvres et misérables peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien ! Vous laissez emporter devant vous le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons et les dépouiller des meubles anciens et paternels ; vous vivez de sorte que vous ne vous pouvez vanter que rien soit à vous et semblerait que, désormais, ce vous serait grand bonheur de tenir à loyer vos biens, vos familles et vos viles vies. Et tout ce dégât, ce malheur, cette ruine vous viennent non pas des ennemis, mais certes oui bien de l‘ennemi : de celui que vous faites si grand qu‘il est, pour lequel vous allez si courageusement à la guerre, pour la grandeur duquel vous ne refusez point de présenter à la mort vos personnes. Celui qui vous maîtrise tant n‘a que deux yeux, n‘a que deux mains, n‘a qu‘un corps et n‘a autre chose que ce qu‘a le moindre homme du grand et infini nombre de vos villes, sinon qu‘il a plus que vous tous : c‘est l‘avantage que vous lui faites pour vous détruire.
de: "Discours de la servitude volontaire"